The following information is about a painting, now on exhibition, given to the the Louvre by Edith Wharton; the text was kindly provided by Olivier Meslay, Curator for British Art, Musée du Louvre.
Go to an English translation by Esther Fernandez, University of California at Davis
William Sutherland, 18éme comte de Sutherland par Allan Ramsay
Une nouvelle identification du tableau légué au Louvre par Edith Wharton par l'intermédiaire de Gaillard Lapsley
En 1999 paraissait le catalogue raisonné du peintre Allan Ramsay (1713-1784) établi par l'historien d'art anglais Alastair Smart. Cet ouvrage, publié après la mort de son auteur par les soins de John Ingamells, proposait une nouvelle identification du modèle de ce portrait connu jusque là comme celui de David Wemyss, Lord Elcho. Smart identifia en 1992, de manière convaincante, le modèle avec le 18ème comte de Sutherland (1735-1766). Ce dernier était le fils de Lady Elizabeth Wemyss, femme du 17ème comte de Sutherland, ce qui explique probablement cette vieille confusion.
Ramsay fit le portrait de William Sutherland à Rome, en 1755.
Un exemplaire se trouve encore chez des descendants du comte de Sutherland,
le second est donc au Louvre. L'artiste peignit en 1763 un troisième
portrait de William Sutherland, cette fois en pied et en costume écossais,
conservé chez d'autres descendants du modèle, au château
de Dunrobin. Les liens de Ramsay avec la famille des comtes de Sutherland
étaient étroits puisqu'il avait peint aussi, quelques années
auparavant, le portrait de la future femme du comte.
Allan Ramsay fut l'un des plus grands portraitistes anglais du XVIIIe
siècle. Plus international que Hogarth, il fut le premier peintre
britannique à rejeter dans l'ombre des concurrents étrangers
comme Andrea Soldi et Jean-Baptiste Van Loo qui connaissaient encore un
grand succès à Londres. D'origine écossaise, ayant
reçu une excellente éducation, il se forma en Italie, d'abord
auprès d'Imperiali, puis de Solimena. Il fit un second voyage en
Italie de 1755 à 1757 et visita plusieurs fois la France. Ayant
parfaitement assimilé les leçons de la peinture française
et italienne, il donna à l'Angleterre pour la première fois
le sentiment de pouvoir rivaliser avec les peintres continentaux. Il devint
le peintre attitré du roi George III et son succès ne connut
aucune éclipse. Le portrait donné au Louvre en 1939 témoigne
parfaitement de cet esprit de simplicité élégante
que Ramsay confère à ses modèles.
Une donatrice célèbre et discrète : Edith Wharton
Cette actualité scientifique nous a amené à nous
pencher aussi sur la personnalité de la donatrice, la romancière
américaine Edith Wharton (New York, 1862-Saint-Brice-la-Forêt,
1937). Son don, indirect comme nous allons le voir, était quelque
peu passé inaperçu et il nous a semblé juste de lui
consacrer plus d'attention. Edith Wharton avait légué le
tableau à son ami Gaillard Lapsley (1871-1949), à charge
pour lui de le donner au Louvre à sa mort. Dans la première
lettre envoyée au directeur du musée du Louvre pour proposer
le tableau, Lapsley donne quelques précisions intéressantes
: [Edith Wharton] me légua la peinture et son souhait était
qu'à ma mort le tableau aille au Louvre. Je vous l'offre aujourd'hui
parce que sa taille n'est pas compatible avec les pièces que j'occupe
dans ce collège [Trinity College à Cambridge] ». Il
précise qu'il écrit sur le conseil de son ami Bernard Berenson,
un autre proche d'Edith Wharton. L'intervention de l'historien d'art ne
donne que plus d'intérêt à ce don fait sous les auspices
réunis d'un écrivain célèbre, d'un enseignant
de Cambridge, et du plus grand connaisseur de son temps.
Edith Wharton est aujourd'hui reconnue comme l'un des plus célèbres
écrivains américains. D'une ancienne et riche famille new-yorkaise,
Edith Newbold Jones se maria en 1885 avec Teddy Wharton, mariage qui fut
un échec. Elle se consacra très tôt à la littérature.
Ses romans et nouvelles connurent très vite le succès comme
Chez les heureux du monde (The House of Myrth, 1905), Ethan Frome (idem,
1911), Le temps de l'innocence (The Age of Innocence, 1920). Elle reçut
le prix Pulitzer en 1921 et fut pressentie pour le prix Nobel de littérature.
A partir de l'année 1906, elle vécut principalement
en France. Sa résidence parisienne était rue de Varenne,
au 58 d'abord, puis au 53. Ses autres résidences françaises
étaient Saint-Claire-le-Château à Hyères dont
le jardin aux innombrables terrasses est aujourd'hui l'un des attraits
de la ville varoise et le Pavillon Colombe à Saint-Brice-la-Forêt
au nord-ouest de Paris. Francophile de conviction et de sensibilité,
Edith Wharton fut pourtant l'observatrice inlassable de la vieille société
américaine de la côte Est. Elle décrivit avec une acuité,
un humour mais aussi une désespérance élégante
ces hommes et ces femmes dont l'essentiel de l'existence se passait entre
Newport, New York et les cottages des Berkshires. Henry James, que fascinait
chez Wharton ce mélange d'observation acérée et de
fragilité, la surnomma l'ange de la dévastation.
Sa réputation en France est ancienne grâce à une
ouvre littéraire régulièrement traduite et commentée
; elle a encore grandi avec les nombreux films tirés de ses nouvelles
et de ses romans. Il faut rappeler aussi ses inlassables activités
de secours aux victimes de la première guerre mondiale qui lui avaient
valu en mars 1916 de recevoir l'une des rares Légions d'honneur
accordée à une étrangère et à une civile.
L'architecture, la décoration et la peinture
Alors que la réputation littéraire d'Edith Wharton
est aujourd'hui établie des deux côtés de l'océan,
son intérêt et ses réalisations dans le domaine de
l'architecture, de la décoration et de l'histoire de l'art sont
encore mal connus.
Sa principale contribution à l'histoire de l'architecture
et de la décoration reste son ouvrage Decoration of Houses écrit
avec Ogden Codman. Ce livre de 1897, l'un des premiers d'ailleurs qu'elle
publia, eut un immense succès. Les deux auteurs prônaient
le retour à la simplicité, l'usage des couleurs claires,
l'abandon d'un style par trop tapissier. L'effet de ces conseils se fit
immédiatement sentir dans les grandes maisons de Newport ou de New
York et chez des décorateurs comme Elsie de Wolfe. Edith Wharton
devait faire construire quelques années plus tard pour son propre
usage une maison à Lenox dans le Massachusetts, The Mount. D'inspiration
franco-italienne, cette grande maison entourée de jardins illustrait
bien les théories de Wharton. Longtemps laissée en déshérence
elle est depuis 1980 en cours de restauration. Les autres livres qu'elle
publia sur ces sujets furent en 1904 son livre Italian villas and their
gardens, illustré par Maxfield Parrish, et, en 1905, Italian backgrounds.
Il faut souligner chez Wharton son amour de la peinture en particulier
italienne, l'importance du visuel dans son ouvre, proche en cela de l'ouvre
de son ami Henry James. Elle fut liée à de nombreux
historiens d'art, Berenson dont nous avons parlé mais aussi des
personnalités comme le Français Louis Gillet. Sa collection
personnelle, encore mal étudiée, comprenait des ouvres importantes
dont L'allée du Jas de Bouffan de Cézanne aujourd'hui à
la Tate Gallery de Londres ou des ouvres d'Odilon Redon. Les romans et
nouvelles d'Edith Wharton fourmillent de descriptions de collections et
certaines ouvres comme L'aube mensongère (False Down dans Old New
York) en font même le centre de l'intrigue.
Un tableau qui lui était cher
Le tableau, comme l'indique une inscription à la craie bleue
au dos du cadre, ornait les murs du 53 rue de Varenne, résidence
parisienne de la romancière. Elle l'avait acquis probablement avant
1910 chez un marchand de Washington (c'est du moins ce que rapporte Gaillard
Lapsley dans sa lettre au directeur du Louvre).
Ce n'est probablement pas un hasard si Edith Wharton possédait
un tableau de Ramsay censé représenter David Wemyss, Lord
Elcho. En effet la famille Wemyss était chère au cour d'Edith
Wharton, puisque l'une de ses amies, dès les années 1900,
n'était autre que Lady Mary Elcho, femme du Vicomte Elcho, 11eme
Comte de Wemyss. Elle porta ensuite le titre de Comtesse de Wemyss. Cette
dernière avait été l'une des premières à
accueillir Edith Wharton non pas comme une femme de la bonne société
américaine mais avant tout comme romancière. Lady Wemyss
donna même un dîner en l'honneur de l'auteur dans son château
de Stanway. Edith Wharton découvrit lors de ce séjour anglais
de 1908 qu'elle n'avait pas à dissimuler son activité littéraire,
alors que la bonne société américaine considérait
celle-ci comme une quasi faute de goût. Les deux femmes se portèrent
une grande amitié et ce jusqu'à leur mort respective en 1937.
On peut donc imaginer que ce n'était pas ici seulement l'ouvre de
Ramsay que Wharton voyait mais l'évocation d'une amie.
Pour le spectateur du Louvre, ce tableau de Ramsay est désormais
associé au souvenir d'Edith Wharton.
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